Un autre extrait de Mme de Sévigné:
C'est ma grande douleur : c'est de m'être remise avec vous de bonne foi, pendant que vous m'aviez livrée entre les mains des brigands, c'est-à-dire de Mme de la Baume : et vous savez bien même qu'après notre paix vous eûtes besoin d'argent ; je vous donnai une procuration pour en emprunter ; et n'en ayant pu trouver, je vous fis prêter sur mon billet deux cents pistoles de M. le Maigre, que vous lui avez bien rendues. Quant à ce que vous dites, que d'abord que j'eus vu mon portrait, je vous revis, et ne parus point en colère, ne vous y trompez pas, Monsieur le Comte, j'étais outrée ; j'en passais les nuits entières sans dormir. Il est vrai que, soit que je vous visse accablé d'affaires plus importantes que celles-là, soit que j'espérasse que la chose ne deviendrait pas publique, je n'éclatai point en reproches contre vous. Mais quand je me vis donnée au public, et répandue dans les provinces, je vous avoue que je fus au désespoir, et que ne vous voyant plus pour réveiller mes faiblesses, et mes anciennes tendresses pour vous, je m'abandonnai à une sécheresse de cœur qui ne me permit pas de faire autre chose pendant votre prison que ce que je fis : je trouvai encore que c'était beaucoup. Quand vous sortîtes, vous me l'envoyâtes dire avec confiance ; cela me toucha ; bon sang ne peut mentir ; le temps avait un peu adouci ma première douleur ; vous savez le reste.